samedi 31 janvier 2015

A celle qui endort les plus cruels maux et contient toutes les extases.

A mes fistons et neveux, Ashley DRAME et Fof FOFANA.

<<La République est envahie par les réactionnaires de tous genres, ils l’adorent d’un brusque et terrible amour, ils l’embrassent pour l’étouffer>>
Emile ZOLA, Lettre à la France, 7 janvier 1898

Il y a un problème d’esclavage en Mauritanie, ai-je souvent entendu. Ce n’est pas un propos marginal mais celui des pseudos experts de tous genres, invités pour débiter sans contradicteur sérieux l’obsession qui les tient lieu de pensée. Est-il possible pour une simple mauritanienne ou un mauritanien de comprendre les rouages de ces bobards ? Pas un écoutant la radio ou en surfant sur le net. La Mauritanie y apparait comme une succession d’évènements imprévisibles et sans logique. Une masse de faits et d’images, les plus frappantes possibles. Provoquant l’émotion, mais paralysant le raisonnement. Aucune explication sérieuse sur les causes profondes, juste des clichés superficiels. Cette famine ? La Nature. Cette Arrestation ? Le Racisme. Ce conflit ? Des populations arriérées. L’émancipation des individus est chaque fois simplifiée avec le manichéisme d’un vieux western : jamais les méchants ne font quelque chose de bien, jamais les gentils ne font quelque chose de mal. Jamais non plus, nous n’avons le droit d’entendre les méchants, nous devons seulement écouter ce qu’en disent les gentils.

Et toujours manque l’essentiel : les intérêts des forces qui s’affrontent pour certaines richesses dans l’émancipation des individus. Toujours aussi, on escamote l’Histoire. Qu’on fait les aïeux et les colonisateurs dans cette région ? Leur politique du <<diviser pour régner>> a-t-elle encore des conséquences pour le peuple mauritanien d’aujourd’hui ? Le contexte historique passe trop souvent à la trappe. Or, si nous ne connaissons pas le passé et son impact, il nous est impossible de comprendre les conflits d’aujourd’hui. Et ceux qui vont éclater demain. Des lors, avec la radio et le net, et en général avec les pseudos experts du net, la Mauritanie nous apparait comme un puzzle, que nous ne parvenons pas à assembler pour saisir l’ensemble du paysage.
Pour une raison bien simple. On en a retiré les pièces essentielles, celles qui permettent justement d’assembler le tout et de situer chaque élément à sa place. La Mauritanie apparait incompréhensible et imprévisible.
Est- ce irrémédiable ? Ou bien avons-nous quand même une chance de saisir les rouages du passé et son impact sur nos vies ? Aujourd’hui, pouvons-nous trouver un point commun, un fil conducteur entre des phénomènes qui paraissent très importants, mais isolés les uns des autres ? A savoir : la concentration de pouvoir économique aux mains de quelques individus, les stratifications sociales, l’appauvrissement croissant de larges couches sociales sur toute l’étendue nationale et enfin ces fausses guerres, déclarées ou non ? Existe-t-il un fil rouge reliant ces divers phénomènes ?
Oui, le présent article va permettre de le saisir. S’agit-il des différents chapitres d’une même Histoire en train de s’écrire sous nos yeux avec une logique commune ? Comprendre quelles sont les causes profondes de tous ces bouleversements, c’est comprendre quels sont les intérêts en présence dans l’émancipation des individus. Et donc, savoir à quelles nouvelles explosions il faut s’attendre. Quel impact cette Histoire aura-t-elle sur nos vies à nous, citoyennes et citoyens Mauritaniens du Nord au Sud.

La domination dans son concept le plus général, avant d’être rapportée à un contenu concret, est l’un des éléments les plus importants de l’agir communautaire. Tout agir communautaire ne présente pas, il est vrai, la structure d’une domination. Celle-ci joue cependant un rôle très significatif dans la plupart des modalités de ce dernier, même lorsqu’on n’y songe pas au premier abord. C’est le cas, par exemple, dans les communautés linguistiques. Les décrets qui, d’autorité, élèvent un dialecte au rang de langue administrative dans la gestion politique de la domination jouent très souvent un rôle décisif dans le développement de grandes communautés littéraires unifiées (songeons à l’Allemagne) et, à l’inverse, il est tout aussi fréquent qu’une différenciation linguistique soit définitivement entérinée quand une séparation politique est consommée (la Hollande contre l’Allemagne). Tous les domaines de l’agir communautaire sans exception attestent l’influence extrêmement profonde qu’exercent les configurations de domination. Dans un nombre extraordinairement élevé de cas, ce n’est que la domination et la manière dont elle est exercée qui transforment un agir communautaire amorphe en une sociétisation rationnelle. Dans d’autres cas, lorsqu’il n’en va pas ainsi, ce sont, malgré tout, la structure de la domination et son déploiement qui donnent forme à l’agir communautaire et déterminent notamment de façon univoque son orientation vers un objectif. L’existence de la domination, joue surtout un rôle décisif dans les configurations sociales du passé et du présent qui sont économiquement les plus significatives :
La seigneurie foncière, d’un côté, la grande entreprise capitaliste, de l’autre. Il faut reconnaitre, cependant, que le fait de disposer de biens économiques, autrement dit le pouvoir économique, est une conséquence fréquente, et très souvent délibérément recherchée, de la domination et il est tout aussi fréquent que ce soit là un des instruments majeurs de la domination.

L’émancipation des individus en Mauritanie : Un état des lieux

Les données disponibles sur la pauvreté, bien que fragmentaires, suffisent à mettre en évidence trois faits saillants :

Environ un ménage sur deux vit dans la pauvreté.
Une telle proportion impose des choix d’engagement militantiste sincère pour s’orienter vers une réduction rapide de la pauvreté afin d’émanciper les individus. Elle signifie également qu’à l’échelle du pays, un tel objectif représente un défi considérable. Les rigidités de la demande, la faiblesse de la productivité du travail et les contraintes de financement, en particulier, définissent un univers de contraintes dans lequel la création massive d’emplois et l’amélioration des conditions d’accès aux services essentiels (Education, santé, Logement, eau potable) dans l’émancipation des individus seront difficiles.

La pauvreté est d’abord rurale et appelle des réponses ciblées.
Alors que la population rurale est devenue minoritaire en nombre, on constate que huit pauvres sur dix vivent en zones rurales et que la contribution de ces dernières à l’extrême pauvreté est encore plus élevée. Ce constat met en évidence le rôle majeur que doivent jouer à l’avenir les politiques agricoles et les actions transversales visant à diversifier l’emploi en milieu rural pour permettre aux individus de s’émanciper. Mais, il convient également de dépasser cette opposition nobles/esclaves, Noires / Maures, car des poches de pauvreté importantes existent dans toutes les communautés. Des réponses différenciées sont nécessaires en fonction des dynamiques locales de développement.

La pauvreté est un phénomène multidimensionnel.
Les différentes formes de pauvreté - revenus, conditions de vie, potentialités, sont étroitement liées. Au niveau individuel, le faible niveau de revenu renvoie à une productivité faible du travail, déterminée entre autres par des facteurs liés à la santé ou à l’éducation. L’accès à ces derniers est de même fortement influencé par la situation monétaire des ménages. Le cadre macro-économique, les politiques publiques, L’environnement institutionnel et culturel sont également, à un niveau plus global, des déterminants de l’émancipation des individus. L’émancipation des individus passe donc par une action simultanée sur l’environnement global, les conditions de la production, le cadre de vie et les comportements socioculturels.

Le profil de la pauvreté en Mauritanie : Définition et mesure de la pauvreté
L’émancipation est un phénomène multidimensionnel, qui concerne à la fois le revenu (pauvreté
monétaire) et l’accès aux services de base tels que l’éducation et la santé (pauvreté des conditions
de vie). La pauvreté monétaire est mesurée par les indices de Foster-Greer-Thorbecke qui se
rapportent notamment à l’incidence de la pauvreté (P0 : proportion de la population ayant un niveau
de dépenses inférieur au seuil de pauvreté), à la profondeur de la pauvreté (P1 : Ecart relatif de la
dépense moyenne des pauvres par rapport au seuil de pauvreté) et à la sévérité de la pauvreté (P2 :
indicateur d’écart similaire à P1 qui donne cependant plus de poids aux dépenses des plus pauvres).
Il n’a pas encore été calculé un seuil de pauvreté spécifique à la Mauritanie. Le seuil de pauvreté
utilisé pour les enquêtes EPCV de 1990 et 1996 est de 1 dollar par personne et par jour (soit 53.841
UM en 1996). Le seuil de l’extrême pauvreté, quant ’à lui, était de 40.701 UM en 1996.

La pauvreté monétaire
Suivant la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages, la pauvreté concerne près de la moitié de la population mauritanienne, tandis que celle de l’extrême pauvreté touche près du tiers de celle-ci. La pauvreté est encore plus marquée pour les indicateurs d’écart, lesquels reflètent l’évolution de l’inégalité au sein des pauvres. En termes absolus, le recul de la pauvreté est évidemment moins prononcé compte tenu du rythme soutenu de la croissance démographique.
La différenciation spatiale de la pauvreté
Le traitement des données de l’enquête EPCV, montre que 5 wilayas sur 12 affichent des taux de prévalence de la pauvreté supérieurs à 65%. La pauvreté monétaire est, cependant, d’abord un phénomène rural. Ainsi, l’incidence de la pauvreté (individuelle), est en moyenne de 68,1% en milieu rural contre 26,8% en milieu urbain.

La zone rurale contribue pour plus des trois quarts (76,4%) à la pauvreté. Au sein de celle-ci, de nettes disparités sont mises en évidence entre le Rural Fleuve (vallée du fleuve Sénégal) ou l’étendue de la pauvreté est de 60,2% et le Rural Autre (zone aride) ou elle atteint 71,1%. Cette dernière zone regroupe à elle seule plus de 57% des pauvres. De façon plus précise, les régions les plus touchées sont la zone de l’Aftout à cheval entre les quatre régions de l’Assaba, du Gorgol, du Guidimakha et du Brakna, certaines zones des deux Hodhs, du Guidimakha et de l’Assaba, ainsi que l’Aftout (Hodh El Gharbi) ; elles affichent des taux de prévalence de la pauvreté voisins de 80%, voire supérieurs.
L’analyse en termes d’émancipation confirme L’importance de ces disparités : la zone rurale compte, cette fois, pour près des 9/10e de la population (82,7%) dans l’extrême pauvreté, à raison de 64,8% dans la zone aride et 17,9% dans la zone du fleuve.

D’importants écarts sont également observés au niveau de la population urbaine. L’incidence de la pauvreté est près de deux fois moins élevée à Nouakchott (20,6%) que dans les autres villes (37,8%). Un écart de 1 à 4 existe entre le groupe constitué des villes du Centre-Nord et de Nouakchott d’une part, et les villes du fleuve ou du Sud Sud-Est, d'autre part ou l’incidence de pauvreté dépasse 43%.
La réduction de l’extrême Pauvreté pour émanciper les individus concerne toutes les strates régionales, sans distinction ethnique.

Sakho Elhadj

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