mardi 3 juin 2014

Démission de Copé : les coulisses d'une exécution

Le Point.fr - Publié le 03/06/14 à 06h06 

C'est son ennemie jurée NKM qui a ouvert les hostilités lors du bureau politique de l'UMP qui a conduit à sa démission, puis ce fut la curée...

Jean-François Copé a dû démissionner de la présidence de l'UMP à l'issue d'un bureau politique mouvementé. Nathalie Kosciusko-Morizet ne fait pas de compromis boiteux. Aussi, mardi dernier, lors du bureau politique qui a conduit à la démission de Jean-François Copé, c'est sa virulence qui donne le ton quand elle accuse celui-ci de mentir à propos du scandale Bygmalion. Entre eux, le torchon brûle depuis des années. Elle n'a pas oublié que Copé a tout fait pour entraver sa candidature à la mairie de Paris, puis a miné sa campagne à travers de nombreuses dissidences, en particulier celle de Charles Beigbeder. Le moment est venu pour elle de régler quelques comptes...Le président de l'UMP, dans les cordes, ouvre la séance en tentant de se dédouaner et de sauver sa tête. "J'ai découvert tout ça il y a peu (...). J'ai commencé à douter quand Pierre Lellouche a porté plainte (...). Je suis tombé de l'armoire. J'ai été trahi par mes collaborateurs, pourtant proches de moi." Puis il lit le court rapport que lui a remis le directeur général de l'UMP, Éric Cesari. Un document qui ne fait pas plus d'une page et demie et qui décrit le processus décisionnel au sein du parti en matière financière.Copé menace NKM d'un retour de bâtonSeul derrière son public comme devant un tribunal, dans une salle en sous-sol de l'Assemblée, Copé donne la parole à l'assistance... L'atmosphère est étouffante. Cinq secondes de blanc. Et NKM se jette à l'eau. "Je ne suis pas objective, je le sais", commence-t-elle, faisant allusion à leur contentieux. Avant de planter sa banderille : "Je considère que tu mens." Elle déglingue l'équipe Copé : "des pieds nickelés". "Ce sont tous tes proches historiques, tu ne peux pas dire que tu n'étais pas au courant." Les deux personnes impliquées côté Bygmalion, Guy Alves et Bastien Millot, sont en effet des "bébés Copé", déjà présents autour de lui à la mairie de Meaux. Quant à Lavrilleux, l'homme qui avoue la supercherie sur BFM TV, il est la figure même du factotum sacrificiel...Copé se victimise, encaisse la charge de NKM, mais il bout : "Ça t'arrivera d'être trahie par tes collaborateurs", lance-t-il en menaçant : "Tu verras quand je serai blanchi dans cette affaire." Des menaces réitérées par la suite au sein du groupe UMP à l'Assemblée. NKM finit par proposer de remettre la présidence au vote des militants lors d'un congrès. Elle est la seule participante à ne pas s'être dissimulée derrière la "présomption d'innocence" qui sera le couplet de tous les intervenants du bureau politique.

Jacob tente de jouer la montre

La radicalité de NKM impose le thème d'un nouveau congrès qui n'était pas précisément la stratégie imaginée par François Fillon ou Alain Juppé. En fait, chacun avait prévu dans son coin une solution au départ de Copé. Xavier Bertrand avait convaincu Alain Juppé de le soutenir pour assurer la présidence. François Fillon inclinait pour François Baroin. Les sarkozystes, eux, militaient pour le maintien de Copé sur le mode : "Mieux vaut une présidence de l'UMP affaiblie qui justifie le retour de Sarkozy comme sauveur de la droite." Du reste, Brice Hortefeux, son "représentant légal", s'est tenu extrêmement taiseux lors de ce bureau politique. Il a simplement tenté de sauver les meubles en coulisse en se rapprochant de Fillon et de Juppé afin de proposer que Copé reste, quitte à être entouré d'un comité de sages... En vain, les deux ont refusé cette combinaison.Les copéistes ne sont pas restés inertes. Mais l'idée du congrès s'étant installée, ils ne pouvaient que jouer la montre. À l'image de Christian Jacob, qui demande un peu de temps. En somme, que Copé reste président jusqu'au prochain congrès. Ou encore Jean-Claude Gaudin, qui alerte le bureau politique sur l'échéance des sénatoriales, en septembre, soit avant le congrès en octobre. Le sénateur-maire de Marseille souhaitait donc repousser ce congrès afin de ne pas parasiter un scrutin décisif pour la droite et porteur de divisions...

Trois défections qui tuent

Copé subit trois défections ravageuses. La première est celle de Bruno Le Maire. Celui-ci, à l'image de Sarkozy, était favorable au maintien d'un Copé affaibli. "Il avait même négocié en échange de son soutien des places pour les siens au sein de la commission d'investiture", assurent ses adversaires. Dans l'ambiance thermidorienne du bureau politique, Le Maire change son fusil d'épaule : "L'intérêt général de notre famille politique exige, Jean-François, que tu quittes la présidence de l'UMP." "Une trahison", glissera plus tard le président déchu...Deuxième perte lourde : Jean-Pierre Raffarin, qui commence en philosophant : "Je me suis toujours demandé ce qui demandait le plus de courage, défendre l'amitié ou l'éthique. Et je pense que c'est l'éthique." Une condamnation sans appel. Et enfin, pour les spécialistes, le tournant décisif est réalisé avec l'intervention de Laure de La Raudière, une "Copé girl". Là, le président de l'UMP réalise que même chez les siens, le doute s'est insinué trop loin. Elle le crucifie en établissant un parallèle avec le monde de l'entreprise : "La question n'est pas de savoir si tu as trompé ou pas trompé. Quand tu diriges une entreprise de 150 personnes et que 10 millions d'euros se sont évaporés, tu pars." Copé prend la feuille de présence et fait ses comptes silencieusement. Son visage s'assombrit. Il réalise qu'il n'a plus la majorité et que si, d'aventure, un vote était organisé pour le destituer séance tenante, comme le proposait Xavier Bertrand, il ne pourrait plus s'y opposer. L'idée d'un vote est écartée. La majorité de ses adversaires veulent éviter l'humiliation, espérant, pour certains, récupérer plus tard les réseaux copéistes...

Douillet achève la curée

Enfin, ce bureau politique aura été marqué par l'étrange attitude d'Alain Juppé, qui a quitté la séance et s'y est repris à deux fois pour se faire comprendre. Sa première intervention est, en effet, confuse. "Moi-même j'ai dû assumer des décisions que je n'avais pas prises", glisse-t-il. Copé réagit : "Tu te souviens de qui t'a soutenu à l'époque." Réponse de Juppé : "Je ne ressasse pas, Jean-François. Dans cette situation, je suis parti au congrès suivant." Copé saute alors sur l'occasion et propose de ne partir qu'au congrès suivant... Il faudra que Juppé reprenne la parole, plus tard, pour qu'il dise clairement les choses : le départ du président de l'UMP ne peut attendre le prochain congrès.Devant les différents coups de boutoir de ses adversaires, Copé va se replier en quatre phases. Quand il entre dans la salle, il est déterminé à se maintenir. Puis il accepte l'idée d'un nouveau congrès. Mais il compte bien l'organiser et tenir la barre jusqu'en octobre. Enfin, il accepte de lâcher la bride. Mais il évite de donner une date... Il faut que David Douillet (un proche de Xavier Bertrand) l'interrompe à trois reprises - "mais quand ? quand ? quand ?!" - pour que Copé lâche la date du 15 juin, acceptable par tous. Il est plausible qu'il ait voulu réserver cette annonce pour le journal de 20 heures de TF1, booké depuis la veille. La pression de Douillet vaut au judoka les foudres de Michèle Tabarot, fidèle copéiste, assise au premier rang. Et aussi cet appel à la dignité que réclame Copé avant de tirer sa révérence. Réponse cinglante de Douillet : "Je n'ai pas de leçon de dignité à recevoir de toi." Ouch !

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