jeudi 4 décembre 2014

03-12-2014 20:16 - Pour un nouvel équilibre au Parlement

Ahmed Jiddou Aly - Les efforts que mène le pouvoir mauritanien pour le raffermissement de l’unité nationale resteront vains s’ils ne s’accompagnent pas, entres autres, d’une représentativité visible de toutes les composantes constituant le peuple mauritanien au niveau des postes électifs, particulièrement au parlement. Le découpage administratif actuel, la loi électorale et l’absence de politique de promotion des couches les moins favorisées aux postes électifs constituent un frein à cette représentativité. Il est temps de réparer cette injustice et les voies et moyens pour y parvenir sont à portée de main. Etat des lieux par régionLe parlement mauritanien, comme nous le savons tous, se composent de 2 chambres : l’Assemblée Nationale et le Sénat. Voici le tableau de répartition des députés et sénateurs élus par région, avec indication du nombre d’habitants tiré du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH 2013). Il faut ajouter à ce nombre de 107 députés les 40 élus sur les 2 listes nationales des partis et des femmes, soit un total de 147 députés. On ajoutera aussi aux 53 sénateurs les 3 représentants des mauritaniens de l’étranger, soit 56 sénateurs. Le parlement compte donc 203 élus.Ce premier tableau nous montre déjà comment le découpage administratif, en mettant en place les moughataas, a favorisé certaines régions sur d’autres. Par exemple, le Trarza a plus d’élus (18) que le Gorgol (14), l’Assaba (15), le Brakna(15) et le Hodh Gharbi (13), régions pourtant plus peuplées. Bien que sa population soit sensiblement égale à celle du Trarza (272 773 hbts), le Guidimakha (267 029 hbts) n’a même pas la moitié des élus de cette région. La faute au nombre élevé de moughataas au Trarza (6) alors que le Guidimakha n’en compte que 2. Le découpage administratif est encore plus injuste quand on constate qu’avec une population de 80 962 personnes, le Tagant (8 élus) fait jeu égal avec le Guidimagha et dépasse Dakhlit Nouadhibou (123 779 habitants et 5 élus) ; et qu’avec seulement 62 658 habitants, le nombre d’élus de l’Adrar (9) dépasse ces 3 régions. La faute là aussi au découpage administratif. Enfin la région du Tiris Zemmouravec 53 261 habitants envoie au parlement 7 élus bien plus que Dakhlet Nouadhibou.Non, non je ne vais pas, par décence, rappeler le nombre des bouts de bois de Dieu qui habitent la moughataa de Ouadane (3 973), ni celui de ceux installés à Bir Mogrein (3 897) ou celui de ceux que l’on a poussé vers la moughataa de Chami (2 657). Par contre, je vais dire qu’il existe des arrondissements qui méritent d’être élevés au statut de Moughataa : Male (33 301 hbts), Wompou (44 692 hbts) Adel Bagrou(47 829 hbts), Ghabou (48 354 hbts) et Fassala (65 927 hbts). Et pour clore ce chapitre, encore 4 petits chiffres pour mieux apprécier notre découpage administratif : Commune de Chami 51 hbts dont 46 hommes et 5 femmes ; Arrondissement d’Inal 336 hbts ; Arrondissement de T’Meimichatt 657 hbts et Commune de Bou Gadoum dans la Moughataa d’Amourj 40 341 habitants ! Last but not least, le District de Nouakchott est la plus lésée des régions : avec 958 399 habitants, il n’envoie que 27 élus au parlement alors que sa population est plus du double de la plus peuplée des régions (Hodh Charghi).

Poids des Communautés au Parlement

Je n’aurai pas besoin de beaucoup de commentaires ni d’analyses poussées ni d’extrapolations savantes pour démontrer la faible représentativité des communautés africaines et une partie des hassanophones (les Haratines) au parlement mauritanien. Il me suffit de vous donner à lire 2 autres tableaux pour que vous vous rendiez compte de vous même de cette situation inique qui doit tous nous interpeller. Comme on le voit, le poids des Africains au parlement (16,25) n’est égal ni aux 25% que les colons français nous ont légués en héritage, ni aux 30% que certains maures acceptent de leur donner par charité, encore moins aux 40, 50 ou 60% que certains africains mauritaniens s’attribuent avec générosité. Le tableau suivant détaille le poids de chaque ethnie et montre combien le partage au sein des hassanophones est injuste envers les Haratines.Quand vous regardez la liste des députés, vous remarquerez qu’il y a 8 régions qui n’ont pas envoyé de Haratines à l’Assemblée Nationale: le Hodh Charghi, le Hodh Gharbi, l’Assaba, le Tagant, l’Adrar, le Tiris Zemmour, Dakhlet Nouadhibou et l’Inchiri. Pourtant la population de la plupart de ces régions est constituée de moitié, sinon plus, de Haratines, particulièrement celles de l’Est. Autre enseignement tiré de ces chiffres : le nombre des élus Africains et Haratines est de 53 parlementaires soit 26,10% alors cet ensemble constitue la moitié de la population (fourchette basse) et même la majorité (fourchette haute).Dernière remarque : même dans les situations où, logiquement, un africain mauritanien pouvait être élu cela n’a pas été fait et les 3 sénateurs de l’étranger sont tous maures malgré l’existence d’une importante communauté africaine mauritanienne à l’étranger.Le pouvoir mauritanien devra vite se pencher sur ce problème d’équilibre parlementaire et le régler pour couper l’herbe sous les pieds des plus extrémistes dont les discours, aujourd’hui plus qu’hier, commencent à être entendus et mieux tolérés par les populations. La communauté maure devra, nolens volens, partager son pouvoir avec les autres communautés. Elle ne devra pas attendre qu’une révolution le fasse à sa place.

Ahmed Jiddou ALY 

Source:cridem.org

Aucun commentaire: