lundi 8 décembre 2014

Le cri osé de Boubakar...!!!

"Parce qu'on affranchit l'esclave récalcitrant, qui veut éveiller d'autres comme lui, qui sème la zizanie avec ses discours. A ce moment-là, on dit à son maître «Affranchis-le ; et tu le verras plus docile qu'un chien. Il te sera reconnaissant pour la vie» : c'est une forme d'anoblissement par rapport à ses cousins. Et c'est ce processus qui se déroule malheureusement dans beaucoup de cas : il devient un parfait contremaître !Quand on me dit qu'un tel a été affranchi, j'ai l'habitude de dire à mes amis : «Avant il était l'esclave d'une famille, maintenant le voilà l'esclave d'une tribu». Car c'est là qu'une subtile nuance se fait : l'esclave est un objet et appartient à son maître. L'affranchi est sensé devenir membre de la tribu, la renforcer, alors qu'il n'en devient qu'un instrument, reconnaissant par dessus tout, jusqu'à sa mort, de voir cesser son statut de paria, de damné.Les autorités semblent craindre ce mouvement d'émancipation des Haratines, qu'on observe de plus en plus...La société mauritanienne est divisée en groupes ethniques, en tribus; et le pouvoir a été transmis par l'ancien colon, la France, à la communauté arabo-berbère. Et cette dernière, même si elle était à l'époque la moins instruite pour prendre administrativement les rênes d'un pays, était majoritaire, en tout cas se présentait comme telle, car comptabilisant leurs esclaves. Aujourd'hui avec la libération des esclaves, ils voient une possibilité de séparation avec ces esclaves, donc une perte de pouvoir. Car ces anciens esclaves vont demander leur dû et leur place dans la société mauritanienne ! D'où la négation pure de ce phénomène par les autorités, qui parlent plutôt de «séquelles», axant ainsi leur discours sur l'ignorance et la pauvreté qui touchent l'écrasante majorité des Haratines.C'est ainsi qu'ils disent que c'est pour lutter contre de telles séquelles qu'un organisme comme Tadamoun et d'autres agences ont été créées. Mais ces agences travaillent surtout pour créer une autre forme de dépendance vis-à-vis des anciens esclaves regroupés dans des localités, où on leur porte leurs nécessaires de vie, les intrants agricoles dont ils ont besoin. Et qui leur apporte cela ? Leurs anciens maîtres. Il y a une forme de soumission qui demeure, et qui ne va nullement dans le sens de lutte contre les séquelles liées à l'esclavage."

Boubakar Ould Messaoud

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